"Le mensonge et la crédulité s'accouplent et engendrent l'Opinion" Paul Valéry

26 novembre 2009

J-C Brisard: « Je suis favorable à une nouvelle enquête »

.



.


"Le rapport est incomplet, il y a de nombreuses zones d’ombres dans l’enquête.Je suis favorable à une nouvelle enquête"

En exclusivité pour la TéléLibre, Jean-Charles Brisard, l’ex-enquêteur en chef pour les avocats de familles de victimes, nous a révélé être désormais favorable à une nouvelle enquête sur les attentats du 11-Septembre. Nous cherchions à donner la parole à un défenseur de la version officielle, et à notre grande surprise, nous avons trouvé un sceptique. Pour Brisard, pas question de douter des auteurs des attentats, mais trop de zones d’ombres persistent sur les circonstances du 11 septembre 2001.

Un défenseur de la version officielle demande la réouverture de l’enquête!

Qui l’eût cru? Dans le débat qui fait rage entre partisans et contestataires de la version officielle, un protagoniste impliqué dans l’enquête judiciaire adopte dorénavant une posture inattendue : Jean-Charles Brisard, co-auteur de l’ouvrage « Ben Laden, la vérité interdite » et mandaté entre 2002 et 2009 par un cabinet d’avocats américains pour étudier l’organisation d’Al Qaida, émet des doutes. Pas sur l’implication d’Oussama Ben Laden dans l’exécution des attentats mais plutôt sur les omissions de l’enquête parlementaire relative au financement de l’opération. Le spécialiste de la question terroriste avec qui nous nous sommes entretenus en face du siège de la DGSE (Direction générale de la sécurité extérieure) nous a réitéré ses convictions sur l’affaire du 11-Septembre et fait part de ses propres interrogations.

C’est le « paradoxe Brisard »: continuer à défendre la version officielle tout en prônant une nouvelle enquête pour lever les zones d’ombre. Pour qui connaît le personnage, cette démarche, a priori surprenante de sa part, est finalement cohérente. Jean-Charles Brisard défend depuis 2001 une thèse à la fois officielle et dissidente sur le sujet. S’il a toujours validé en bloc la grille de lecture conventionnelle du 11-Septembre, il est également plus loin en dénonçant systématiquement la responsabilité imputée à certains notables saoudiens dans la préparation des attentats. Cette obstination, voire cet acharnement, explique, pour une part, l’image controversée de Jean-Charles Brisard.

Qui est ce Brisard?

L’homme âgé de 41 ans, qui se présente désormais comme un consultant international, est à l’image des services de renseignements qu’il « côtoie » : clair-obscur. Après des études de droit et de diplomatie à l’université de Georgetown, à Washington, il est devenu assistant parlementaire du député RPR et ancien juge anti-terroriste Alain Marsaud avant de suivre celui-ci au sein de Vivendi dans la cellule dévolue à l’intelligence économique. Proche de Charles Pasqua, sur lequel il a co-écrit une biographie, Jean-Charles Brisard a été décoré en décembre dernier par Nicolas Sarkozy chevalier de l’ordre national du Mérite.

L’expert en renseignement économique est salué par certains comme un spécialiste implacable du financement du terrorisme tandis que d’autres le considèrent au contraire comme un agent d’influence au service des intérêts américains. Il avait notamment accusé, avant de devoir se rétracter dans les deux cas, le banquier saoudien Bin Mahfouz, présenté comme un « argentier de la terreur » et Yeslam Ben Laden, le demi-frère d’Oussama, pointé du doigt pour avoir financé indirectement le leader d’Al Qaida. Il avait aussi fait sensation en publiant en 2005 un autre ouvrage controversé portant sur l’ennemi public numéro un en Irak, Abou Moussab Al-Zarkaoui, qu’il avait alors qualifié, sans modération, d’homme « le plus dangereux du monde ».

Quoiqu’il en soit, la réputation sulfureuse de Jean-Charles Brisard et ses propos tranchés contribuent le plus souvent à susciter la réaction lors de ses interventions médiatiques.

Ainsi, dans une émission de France 2, présentée par Guillaume Durand le 30 septembre et consacrée au 11-Septembre, il s’est illustré dans une défense radicale de la théorie officielle de « l‘incompétence et des dysfonctionnements » des services américains de sécurité.

Et en raison d’un débat partial, cette émission a provoqué une vive polémique, comme l’atteste son propre forum internet, et confirmé, si besoin est, le fossé grandissant entre les journalistes et les citoyens sur le traitement médiatique du 11-Septembre. La tentative de refaire un mois plus tard une nouvelle émission, plus équilibrée sur le sujet, n’a fait qu’empirer les choses, au point que, selon une source contactée par la TéléLibre, un dossier de plainte, joint d’une pétition, est en cours de constitution pour être prochainement remis au CSA.

Brisard et Reopen, même combat?

La nouvelle posture de Jean-Charles Brisard est en tout cas iconoclaste : même si elle répond à des perspectives et des motivations personnelles, se déclarer en faveur d’une nouvelle enquête revient implicitement à réfuter entre les lignes les conclusions du travail antérieur. Cette prise de position sera sans doute saluée par les plus optimistes comme le signe d’un changement positif dans l’expression publique relative au 11-Septembre. A l’inverse, les plus pessimistes ne manqueront pas d’y voir le signal d’une réappropriation ambivalente de la contestation envers l’enquête officielle.

L’exigence d’une nouvelle investigation se déplace progressivement du débat de société à une question politique. L’enjeu est désormais de savoir quel type d’enquête serait prônée par ses nombreux partisans à travers le monde: une différence évidente existe entre une commission parlementaire américaine et un tribunal international a priori plus indépendant.

La problématique judiciaire vient d’ailleurs de refaire surface à travers la récente décision controversée, annoncée par le ministre américain de la Justice, de traduire devant une cour fédérale, et non militaire, le principal suspect détenu, Khalid Cheikh Mohammed. Cet aspect ainsi que les autres approches scientifiques et géopolitiques relatives aux attentats feront l’objet d’un débat que la TéléLibre tentera d’organiser prochainement avec des contradicteurs de part et d’autre. Si le service public de France 2 n’a pas su exercer sa mission d’information des citoyens au travers d’une émission équitable sur le 11-Septembre, notre équipe se propose de relever le défi. Pour un évènement à l’origine de deux guerres et d’une restriction globale des libertés individuelles, c’est le strict minimum.

Un reportage de Hicham HamzaEntretien avec John Paul LepersImages : Matthieu MartinMontage : Patrick Lefrere et Anthony Santoro

Post -Scriptum, à lire après le visionnage de l’entretien

Un coup de canif suisse dans la version officielle

Lors de l’émission de Guillaume Durand, Jean-Charles Brisard avait affirmé catégoriquement qu’un couteau suisse appartenant au pirate de l’air présumé, Mohammed Atta, avait été retrouvé et identifié dans les ruines du World Trade Center. Il s’agissait là d’une assertion inédite pour apporter la preuve matérielle de l’implication des militants d’Al Qaida. Une telle révélation avait provoqué la stupeur ou l’incrédulité chez ceux qui suivent de près le dossier.

Comme nous l’avons indiqué durant l’échange, il est avéré que Mohammed Atta avait effectivement acquis deux couteaux suisses, achetés avec sa carte Visa à l’aéroport de Zurich le 8 juillet 2001..



.

Cette information, relayée par divers médias durant le mois d’octobre 2001, avait été initialement transmise aux autorités américaines par le Ministère public de la Confédération suisse deux semaines après le 11-Septembre. A la fin de notre entretien, nous avions demandé à M. Brisard d’éclaircir ce point litigieux et de nous transmettre le document officiel attestant l’affirmation si particulière selon laquelle un de ces couteaux aurait été récupéré dans les décombres de Ground Zero. Fort aimablement, Jean-Charles Brisard nous a adressé la copie exclusive de deux extraits séparés d’un rapport confidentiel du FBI et mis en ligne pour la première fois sur le site de la TéléLibre.

Le premier est l’en-tête du rapport, indiquant à la date du 4 novembre 2001, la référence administrative du résumé de l’enquête menée alors par les agents du FBI.

.

.
Le second extrait est un court texte dont la fin confirme a priori les dires de M. Brisard: « Le FBI a également retrouvé un couteau suisse appartenant à ATTA sur le site du crash ».

.

.
Problème : cette dernière phrase disparaît d’un paragraphe quasiment similaire dans le rapport du FBI publié deux mois plus tard, en janvier 2002, et dans lequel figure (à la page 6) un résumé d’enquête plus étoffé pour la même date : le 4 novembre 2001.
.



.
Explication probable : il semblerait que le document confidentiel du FBI, daté du 5 novembre 2001 et remis par la suite à M. Brisard, ait été entre-temps corrigé dans la version ultérieure du rapport, publiée à peine deux mois plus tard, puisque la mention faisant état d’un couteau suisse appartenant à Mohammed Atta a purement et simplement disparu.

L’existence d’une telle preuve matérielle accablante aurait été nécessairement conservée et évoquée par le FBI lors de son rapport de 2002 ou durant le procès Moussaoui de 2006 pour lequel l’agence a été contrainte de fournir la liste complète des biens matériels identifiés comme appartenant aux terroristes présumés. La vraisemblable erreur d’appréciation commise par M. Brisard s’appuierait donc sur un élément policier rectifié entre novembre 2001 et janvier 2002 par les enquêteurs. Reste à savoir comment et pourquoi le FBI en est-il venu, en premier lieu, à indiquer que ses fins limiers avaient prétendu avoir retrouvé dans les décombres du World Trade Center le couteau suisse de Mohammed Atta avant de renoncer par la suite à cette allégation.
.
Hicham Hamza